Par Agathe Anglionin, curatrice et critique d'art
Conçue comme un carnet de vie, l’œuvre de Thomas Jeunet s’inscrit au cœur même de son quotidien tout en restant au diapason du monde. Ses choix de motifs puisent autant dans une géographie abstraite et mentale que dans une géographie concrète nourrie de ses nombreux voyages. Mais ils participent également d’une vision dépassant ces frontières pour se prolonger plus loin dans le cosmos et son infinité. Cependant, plus que l’espace, c’est la temporalité qui se révèle centrale dans son travail.
L’artiste vise ainsi une abstraction associée aux saisons qu’il voit comme des indicateurs de changement au niveau de la lumière, des états d’esprits et de l’environnement, tout en assurant un retour du même selon une régularité cyclique. Il trouve ainsi un cadre temporel naturel qu’il enrichit, au moment de concevoir ses toiles, par un cadrage très prononcé. Ainsi tous ses motifs sont, d’une façon ou une autre, parfaitement cadrés, parfois surcadrés, créant un cadre dans le cadre, ce qui explique parfois le recours à des figures géométriques telles que des parallélépipèdes, des cercles ou des angles qui délimitent des portions d’espace ou de récit, jusqu’à en composer toute la surface. Si Thomas Jeunet a établi sa gamme de couleurs selon la temporalité des saisons, c’est pour faire ressortir, à travers un fait pictural, la représentation discrète du temps qui passe. Chaque toile se présente comme un petit monde en soi, contenu dans un espace et un temps déterminé, qu’il faut s’approprier comme autant de petits récits. A cette approche se mêle une nostalgie rêveuse qu’il cherche à partager.
Utilisant différentes techniques et matériaux selon le sujet recherché (peinture acrylique, pâte de modelage, pigments, encre, huile, fusain, etc.), les œuvres de Thomas Jeunet sont reliées entre elles sous l’appellation de « collections » (printemps, été, automne, hiver). C’est une peinture qui joue avec la synecdoque et la métonymie, réduisant son sujet à une quasi-abstraction, présentant la partie pour le tout, la trace pour le sujet, etc. L’objectif est de figer des instantanés, établis sur des émotions à la fois positives, dynamiques et primesautières. S’y retrouvent des éléments de prédilection tels que la terre et l’eau qui caractérisent notre planète, laquelle est pour l’artiste une palette d’inspiration infinie. En découlent des propositions qu’il définit comme un hymne universel à la nature.
Depuis ses débuts, Thomas Jeunet a développé une peinture fictionnelle qui, au fil du temps, reprend le vécu d’une vie à travers les événements marquants ainsi que les petits faits du quotidien. Il cherche ainsi à aborder l’intime autant que l’universel et, probablement, l’intime dans l’universel.